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Bryan Ferry glisse du jazz dans son rock

Publié en novembre 2012, l’album The Jazz Age avait constitué une bizarrerie dans la discographie du chanteur, pianiste et auteur-compositeur britannique Bryan Ferry. Non du point de vue du répertoire, des reprises de titres enregistrés avec le groupe Roxy Music – actif de 1971 à 1983 et ravivé de temps à autre depuis 2001 – ou tirés d’albums solo de Ferry. Non plus pour le style musical, du jazz des années 1920, en moyenne formation évoquant le son du Hot Seven de Louis Armstrong, de l’Original Dixieland Jazz Band ou la période « jungle » du Duke Ellington Orchestra.

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Après tout, Ferry avait régulièrement témoigné, en plus de quarante ans de carrière de son intérêt pour le jazz classique – mais aussi pour l’avant-gardiste Ornette Coleman, comme il l’expliquait dans le quotidien The Guardian du 19 novembre 2012. Certains de ses albums sont parsemés de reprises de standards. Il en a même enregistré un album entier, en 1999, As Time Goes By, dans la manière swing avec enrobage de cordes. Non, ce qui sonnait étrangement, c’était l’absence de toute partie chantée dans ce Jazz Age au nom du Bryan Ferry Orchestra.

Et quelle voix ! L’une des plus élégantes de la pop britannique, dans un registre médium, médium bas, avec ici des effets de théâtralité, là un voile éthéré, la diction attachée à la phrase mélodique. L’annonce, début 2013, d’une tournée internationale intitulée An Evening With Bryan Ferry and The Bryan Ferry Orchestra, avait donc été accueillie avec plaisir. Et la curiosité de ce que rendrait l’ajout vocal. Avec passage par Paris en ouverture du festival Jazz à La Villette, mardi 3 septembre.

Le chanteur Bryan Ferry en mai 2009.

GESTUELLE SOBRE

Eclairage doux façon club, début du concert avec un nonette – piano, banjo et guitare, set de batterie à l’ancienne, section de vents avec clarinettes, saxophone, trompette et trombone – pour quelques instrumentaux adaptant la pop fantasque et stylée de Roxy Music aux premiers styles du jazz. Avalon, le mystérieux The Bogus Man dans un traitement ellingtonien, Virginia Plain méconnaissable en improvisation collective… Avant que n’arrive Bryan Ferry pour Love Is The Drug. Gestuelle sobre, chant vite présent, deux choristes en soutien. Avec The Only Face, Ferry sort du répertoire Roxy pour l’une des compositions de son album Mamouna. Cela s’annonce bien.

Mais voilà que trois musiciens rejoignent l’ensemble pour Reason or Rhyme, belle ballade tirée d’Olympia, qui perd ici ses nuances. Responsables du contraste, la batteuse, Cherisse Osei, sans dynamique, et le guitariste Oliver Thompson, qui accumule les clichés dans des parties solistes avec un son en saturation. Le concert prend alors une autre forme, plus rock et pop, les vents en appui.

On retrouve Ferry en interprète de premier ordre d’autres chanteurs. Jealous Guy de Lennon, Knockin’ On Heaven’s Door et A Hard Rain’s A-Gonna Fall de Dylan, Crazy Love de Van Morrison… L’aspect jazz se faufile encore notamment lors d’un intermède dédié à Charlie Parker. Dommage qu’il soit absent de Smoke Gets In Your Eyes, thème de 1933 qui s’y serait fort bien prêté.

Que Ferry ait souhaité diviser son concert entre jazz et pop-rock, avec un final rhythm’n’blues (Let’s Stick Together, de Wilbert Harrison et Hold On I’m Coming, de Sam & Dave) bien mené, rien à redire. Sa « soirée » en tour d’horizon d’un parcours varié est bien construite. Mais que quelqu’un de si subtil et avisé ait choisi ces deux pénibles instrumentistes suscite l’incompréhension. Leur pesanteur aura gâché une partie du concert.


Jazz à La Villette, parc de La Villette, Paris 19e. Jusqu’au 15 septembre. Tél. : 01-44-84-44-84. Jazzalavillette.com

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