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Il est question de santé

Du médecin généraliste au centre de santé intégré

L’évolution continue de la médecine ne permet plus au médecin généraliste seul, de posséder quasi tout l’acquis de la science médicale et de remplir toutes les tâches d’un centre de santé ou d’une organisation médico-sanitaire, de façon valable en fonction des possibilités deCHATAR ceux-ci. Dans un monde qui change, les données socio-culturelles rendent la demande de soins plus élevée et plus diversifiée : on ressent des besoins sanitaires nouveaux, on les exprime de façon différente, et on y essaie d’y répondre de manière souvent empirique, en courant au plus pressé ou en cédant aux plus pressants. Et, face à cela, on crée le médecin spécialiste, on met sur pied des centres médico-sanitaires publics et des (poly)cliniques privées, etc., mais jamais une politique de santé élaborée et cohérente.

 

Un médecin seul: Ainsi, les médecins se définissent soit en se spécialisant soit en répondant à des demandes nouvelles et diversifiées. Le médecin généraliste seul qui ne voit plus clairement les fonctions qu’il remplit au niveau de base, ne peut plus s’adapter au développement des techniques et aux changements socio-culturels, ni d’ailleurs se défendre contre le grignotement et la désintégration des fonctions qui lui sont propres.

Toutefois, le problème n’est pas de faire du généraliste un autre spécialiste mais de savoir plus exactement à quoi il sert. Il faudra définir la mission du médecin généraliste dans le cadre des activités et des objectifs du centre de santé : fonction d’accueil, d’intégration, de continuité. En d’autres termes, comment atteindre en pratique les objectifs de l’organisation médico-sanitaire, c’est-à-dire assurer les soins globaux, continus et intégrés.

Assurer une présence 24 heures sur 24 est une tâche impossible pour un médecin seul. Même un rôle de garde organisé ne permets pas d’assurer la continuité des soins, puisque le confrère n’a pas accès au dossier médical, sauf exception, retour de l’information vers ce dossier,  si dossier médical il y a. Un homme seul, dans la situation actuelle, n’a pas le temps, ni la possibilité, de réunir tous les éléments nécessaires au travail de synthèse ; souvent, il n’est pas armé pour y donner la suite indiquée (information du malade, décision, surveillance, réinsertion sociale). Le système médico-sanitaire actuel au Maroc ne lui permet pas de consacrer beaucoup de temps à autre chose qu’à des actes techniques. Cela ne favorise ni la continuité, ni la globalité des soins. L’éducation sanitaire et le dialogue avec le malade s’en ressentent également. La surveillance des personnes à hauts risques et les rappels éventuels à la consultation ne sont concevables qu’avec un appui administratif, un fichier et des dossiers à jour. Il est à rappeler à ce sujet que le rôle cohérent que jouait le médecin de jadis, parce qu’il connaissait l’histoire des familles qui formaient un groupe, un village, un quartier, il ne peut plus le remplir, c’est-à-dire il n’est plus reconnu comme le pivot local de l’organisation médico-sanitaire ; car la durée de vie augmente, la mobilité spatiale ou la migration interne s’amplifie et les mass médias répercutent les informations médicales. Ainsi, il n’a plus la possibilité d’aller vers les gens, de les connaitre en profondeur. D’où le découragement de beaucoup de médecins généralistes qui ne savent plus où donner de la tête.

La médecine de groupe: De notre point de vue, seule la médecine de groupe pourrait sauver la médecine générale. L’expression peut s’inscrire aussi bien dans le cadre de la médecine du secteur public que dans celui de la création des cabinets de groupe privés.

En dépit des différences, la médecine de groupe recouvre quelques points essentiels, à savoir l’exercice commun par plus de deux médecins d’une même discipline et l’utilisation d’équipements communs : locaux, dossiers, secrétariat…

En pratique chaque client garde ses propres patients et le malade qui s’adresse au centre de santé ou au cabinet de groupe peut voir le médecin de son choix ou l’appeler à son domicile en cas d’urgence. En ce qui concerne le secteur public, en dehors des heures habituelles de prestation ou dans les cas urgents, les malades s’adressent au médecin disponible ou au médecin de garde, qui pourra toujours disposer du dossier médical du patient. Le recours aux infirmiers(es) et au personnel auxiliaire libère les médecins des tâches médicales répétitives, routinières, surtout administratives et leur permet de voir plus à l’aise les malades. L’utilisation en commun de l’équipement assure une meilleure rentabilité. Le travail de groupe permet d’avoir des horaires souples et compatibles avec une vie privée plus normale, de consacrer plus facilement du temps à la formation et surtout de stimuler l’esprit de recherche par la confrontation. Le regroupement de plusieurs médecins généralistes n’est cependant pas suffisant pour remplir les fonctions primaires qui sont, entre autres : le premier contact, la rencontre avec la population, l’éducation sanitaire en rapport avec l’environnement, la visite éventuelle à domicile pour assurer la réponse aux convocations de dépistage et de vaccination, la mise au point clinique et psychosociale, la décision d’éventuels examens techniques de diagnostic, la synthèse des examens de dépistage et avis de conduite éventuelle à tenir ; l’information de l’intéressé, éventuellement de la famille ; la discussion et la décision (traitement, prophylaxie, ou surveillance, gestion du dossier unique de chaque individu, etc.).

Mais néanmoins, les fonctions d’éducation sanitaire et toutes les fonctions qui demandent une communication permanente de l’organisation médico-sanitaire avec la population semblent en grande partie hors de portée du généraliste travaillant en groupe. Le médecin  reçoit les gens qui viennent, répond aux appels mais ne va pas vers l’extérieur, à la rencontre des problèmes de santé, n’a pas la possibilité d’assurer un accompagnement, de maintenir le contact.  De plus, si la médecine de groupe offre des avantages au médecin en allégeant son travail, elle n’entraine pas automatiquement de meilleurs soins pour le malade. La recherche d’une rentabilité maximum dans le secteur privé ou une mauvaise conception des fonctions primaires dans le secteur public, pourraient orienter le développement du cabinet de groupe ou du centre de santé vers une sorte d’organisation médico-sanitaire qui n’aurait plus rien à voir avec les objectifs initiaux.

Le centre de santé intégré: Dans chaque circonscription sanitaire, il devrait y avoir un centre de santé intégré du secteur public qui serait le pivot autour duquel tournent des dispensaires gérés par du personnel infirmier chargé de prodiguer des soins de santé primaires. Les centres de santé intégrés comprennent des médecins généralistes, des équipements communs, des auxiliaires administratifs mais aussi un groupe de paramédicaux, membres à part entière de l’équipe, permettant à celle-ci d’établir une relation suivie avec la population. Ce seront premièrement des infirmières sociales, spécialement formées à ce contact, et prenant en charge une part des soins à domicile et certaines visites, une part de l’éducation sanitaire, de l’assistance dans la conduite des traitements, de la surveillance de l’environnement. Elles sont autant que le médecin généraliste un élément indispensable du centre de santé intégré qui doit réaliser un véritable travail d’équipe. D’autres paramédicaux seront associés à l’équipe suivant les résultats des études de besoins et les tâches qu’imposent les fonctions primaires.

La structure et les possibilités d’action du centre de santé intégré garantissent au patient que son problème sera pris en charge entièrement, qu’un accent prioritaire sera mis sur l’aspect d’information, d’éducation, de participation du patient à sa guérison.

Ainsi, tout en permettant un maximum de flexibilité et de souplesse pour pouvoir s’adapter à la diversité des situations locales, l’objectif est celui d’intégrer les différentes fonctions primaires dans une structure de base unique. Plus de dispersion, d’incoordination, de confusion du malade dans le labyrinthe des services médico-sociaux de tout bord.

Saïd  CHATAR

 

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