De nouvelles révélations époustouflantes dans la tristement célèbre affaire des adeptes «salafi jihadi» arrêtés en début septembre pour distribution et commercialisation de viande avariée. L’enquête, menée par le Bureau central d’investigations judiciaires, relevant de la DGST, indique que les prévenus non seulement nuisaient à la santé des citoyens, sans doute projettaient-ils de mettre leurs vies en danger.
Première révélation de l’enquête, dont Le360 a eu la primeur, et elle n’est pas des moindres : l’examen des échantillons de produits périmés, 15 tonnes et 160 kg de viande, par le laboratoire d’analyses et de recherches de Tanger relevant de la Direction régionale de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires, a bel et bien conclu au caractère impropre à la consommation de ces viandes, voire leur toxicité.
Deuxième révélation, elle est tonitruante celle-là : outre leurs penchants mercantilistes, le traitement des personnes interpellées, a conforté les velléités «jihadistes » de certains d’entre eux, prompts à rallier les rangs du soi-disant « Etat islamique » grâce aux gains générés par ce commerce infamant.
Parmi les dix individus, arrêtés le 2 septembre à Tanger, Larache et Salé, figurent des salafis jihadis, dont un ex-détenu de même tendance, révèlent l’enquête.
Même les cantines scolaires n’ont pas été épargnées !
Les investigations menées par le BCIJ ont permis de démêler l’écheveau de ce qui s’avère être un réseau bien structuré, dont les principaux protagonistes ne sont autres que le propriétaire et le gérant, arrêtés, de la société dite « Saâdaniya » sise à la zone industrielle de Larache, spécialisée dans l’élevage, l’abattage et produits dérivés.
Ces deux individus, un père et son fils, ont reconnu qu’ils procédaient à la préparation de la viande hachée à base de décombres de volailles (poulets et dindes), vendue à des prix variant entre 12 et 13 dirhams le kilogramme, qu’ils livraient aux semi-grossistes « salafistes jihadistes » opérant à Tanger, un certain S.E.A (ex-détenu), A.F et F.E.Z (arrêtés).
Dans ce cadre, la société «Saâdaniya» assurait la livraison à un large réseau de clientèle, comprenant des institutions étatiques, dont celles pénitentiaires (prisons de «Oued Law», « Assila », Larache et «Ksar El Kébir»), ainsi que les cantines des établissements scolaires par le biais de la société sous-traitante dénommée «Nestamid», notamment, les lycées «Zineb», «Moulay El Hassan» et «Al Mohammadia» à Larache, «Oued Eddahab» à Assilah, «Mohamed Ben Abdellah», collège «Abdelkrim Khattabi», «Dar Attaliba», à Larache, et l’école «Nahda» à Ksar El Kébir, auxquels elle fournit des poulets, de la viande de dinde et des pilons.
Et ce n’est pas tout! Même les grandes surfaces, Marjane de Larache pour ne pas le nommer, n’ont pas échappé à ce commerce du poison. Il était approvisionné en poulets congelés et de filets de volaille à la franchise de «Kentucky fired chicken» (KFC) à Tanger, depuis dix-huit mois!
Pis que pire, à Salé, précisément au quartier Laâyayda, surnommé «Oued el Khanez» par les Slaouis, ce jeu de massacre remonte à 2005. Le salafi jihadi, répondant aux initiales R.E.B (propriétaire d’une société dénommée «Rachid Food »), opère, depuis dix ans, de manière clandestine, en tant que fournisseur de la viande hachée de volailles préparée dans des conditions insalubres à son domicile à Salé, sur fond de mixage de détritus, de croupion et de graisse de bœuf, avec des épices à forte concentration, pour entretenir la couleur et l’odeur de sa marchandise, avant son écoulement auprès des gargotiers opérant aux villes de Salé et Tanger, dont son co-adepte S.E.A, à un prix oscillant entre 20 et 30 dirhams le kilogramme.
Devant l’essor de son commerce illicite, l’intéressé a commencé, depuis deux mois environ, à se ravitailler chaque lundi, mercredi et vendredi, auprès de la société «Afoullous» siégeant à Agadir, de quantités variant entre 2 à 3 tonnes par livraison, de viande hachée de volaille, à raison de 11 dirhams le kilogramme, qu’il écoule après sa mixture à des épices à fumets forts, à 15 dirhams le kilogramme parmi sa clientèle.
Des militaires avaient aussi goûté à ces plats empoisonnés !
Depuis 2006, « Rachid food » a commencé à ravitaller des établissements étatiques en filets de dinde et en pilons de poulets, en s’adjugeant, depuis lors, à Bouknadel, à Salé, les marchés de la caserne militaire, le campement de la colonie de vacances, l’école forestière, le lycée Salman El Farissi, les deux écoles primaires de la localité Al Arjate (en face du club de tirs, côté Salé), ainsi que le club sportif situé au douar Rouhin.
Pour sa part, A. F (précité) est apparu comme étant la plaque tournante dans le commerce de la viande hachée de volaille avariée au niveau de Tanger, dès lors qu’il dispose d’un entrepôt pour le stockage et la distribution en semi-gros, et qu’un snack pour l’écoulement de sa marchandise incriminée qu’il acquiert, depuis 2013, auprès de la société « Saâdaniya » (précitée), en remplacement à ses anciens fournisseurs S.E.A (sus-indiqué) et A.E.Z (présent à la zone syro-irakiene, recherché).
A.F, lui, fédère un groupe de gargotiers parmi les « salafistes jihadistes » regroupant son associé Hamid Bouchibi (recherché dans le cadre des événements survenus au mois d’octobre 2012, au quartier Ard Daoula à Tanger) et ses co-adeptes J.L et Y.Z (arrêtés).
Les prébendes de ce commerce illicite pour financer le jihad
Face à ce mercantilisme tentaculaire, surgit la question : mais à quoi devaient servir les prébendes de ce commerce assassin ? « Les bénéfices générés par ces activités délictueuses servaient au financement des départs des candidats au jihad à la zone syro-irakienne et à l’assistance matérielle des proches des familles des combattants », certifie l’enquête du BCIJ.
A preuve, les rapports tissés, à partir de 2012, par le propriétaire de «Rachid food», établi au quartier Laayayda, fief notoire des salafistes jihadistes, avec un certain gargotier de la même ville, mort dans un combat aux côtés du Front « Nosra » en Syrie. Il aurait été mis au courant de la mort du dénommé « Abou Ishak » par le frère de ce dernier, B.E.M.
Et ce n’est pas tout. « Rachid food » entretenait également des relations avec un autre combattant du Front « Nosra » (affilié à Al-Qaïda), un certain A.E.I.E, un jihadiste du soi-disant « Etat islamique » répondant aux initiales K.EH et un aniateur de la structure terroriste baptisée « Ansar Achariaa », en détention.
Idem pour l’ex-détenu salafiste jihadiste S.E.A (libéré le 26 mars 2009, à l’expiration de sa peine de deux ans ferme dans le cadre de l’affaire du kamikaze Abdelfettah Raidi, auteur de l’attentat du 11 mars 2007, perpétré dans un cyber-café à Sidi Moumen, Casablanca.
Il en va de même du dénommé Y.Z (arrêté à Tanger). Ce dernier a été recruté, en 2012, au profit de la doctrine « jihadiste » par son employeur A.F (précité) et son associé H.B (recherché dans le cadre des événements survenus au mois d’octobre 2012, au quartier Ard Daoula).
Pour sa part, le candidat au jihad J.L (arrêt à Tanger) envisageait de rallier la Syrie en 2013, en compagnie du dénommé A.G, alias « Abou Adm », combattant et agent recruteur en faveur du soi-disant « Etat islamique » (recherché),, avant d’ajourner son départ pour des raisons familiales.
De son côté, O.F (arrêté), recruté par le gargotier M.B.M (membre de la structure terroriste de S.E.K, sous mandat de dépôt), a été embrigadé sur la voie du jihad par son employeur, lequel lui révèle son projet de départ en Syrie, tout en l’invitant à s’associer à cette aventure.
Le propriétaire de la société « Saâdania », lui, était lié au combattant de Daech O. B (recherché), en le fréquentant, notamment, au siège de l’association dénommée « Al Amal » inféodée au club de tir au pigeon, sis à l’entrée de la ville de Tanger et au côté duquel il avait organisé des parties de tir à la forêt « Zouwada » à la banlieue de Larache.
En somme, un véritable écheveau de relations interlopes que le BCIJ a réussi à démêler à la faveur d’un procès qui s’annonce houleux.
Pour information, les personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire ont été présentées le 14 septembre devant la justice qui a décidé leur placement sous mandat de dépôt à la prison « Salé 2 ».