Le président algérien Abdelmadjid Tebboune récemment élu lors d’un scrutin forcé contesté et refusé par le Hirak et contrôlé par la junte militaire qui dirige le pays sans partage depuis son indépendance, parle d’ «un complot visant à déstabiliser le pays », qu’ »il existe des individus que la stabilité du pays dérange et nourrissent vainement l’espoir d’un retour en force ». Ses sorties accusatrices notamment contre les journalistes emprisonnés considérés comme étant des « professionnels de la subversion » se répètent et se ressemblent.
« RIP, justice de mon pays ! J’aurais souhaité te savoir morte [plutôt] que de te voir aussi veule, lâche, indigne… » Le cri du journaliste et écrivain Mustapha Benfodil faisait écho, à la colère qui s’est exprimée sur les réseaux sociaux, à l’annonce de la condamnation du journaliste Khaled Drareni à trois ans de prison de ferme. Arrêté le 7 mars 2020, alors qu’il couvrait une manifestation, Khaled Drareni était poursuivi, avec les militants Samir Belarbi et Slimane Hamitouche ( ce dernier luttant pour la cause des disparus de la « décennie noire » ; années 1990) pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’intégrité du territoire national ». Des chefs d’accusation qui reviennent dans pratiquement toutes les poursuites engagées contre les opposants et journalistes indépendants.
Les avocats de ce dernier ne se faisaient guère d’illusion sur la possibilité d’un acquittement. Mais ils ont été sidérés par la dureté du verdict. Evoquant un « dossier vide », ils ont dénoncé un « acharnement particulier » contre le journaliste, lié à sa couverture du Hirak, le mouvement de contestation du pouvoir, à l’origine d’importantes manifestations en Algérie, depuis février 2019.
Selon des proches, Khaled Drareni avait été convoqué à au moins trois reprises par la direction de la sécurité intérieure, on lui avait alors ordonné de cesser de couvrir les protestations. En vain. Le journaliste, âgé de 40 ans, dirige le site Casbah Tribune, anime le « Café presse politique », une émission très suivie sur Radio-M, diffusée sur Internet, et collabore avec la chaîne française TV5. Il est également le correspondant de Reporters sans frontières et, à ce titre, s’est montré très actif dans la défense des journalistes.
La méthode de ces régimes est la même, de l’Arabie saoudite jusqu’en Mauritanie, on emploi des milliers d’internautes et des profils fectifs pour dénigrer les activistes et journalistes au nom de « l’intérêt national » et de la « chère patrie ». Plusieurs pays arabes, probablement tous, selon Amnesty ont acquis le logiciel d’espionnage israélien Pegasus pour pirater les données et écouter les communications d’opposants et de journalistes. Khaled Drareni avait fait l’objet d’une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux le présentant comme un « agent » de l’étranger, et de la France en particulier. Ecœuré, son père, Sid Ahmed Drareni, un ancien combattant de la guerre d’indépendance, a publié une lettre ouverte au président dénonçant le fait que l’injustice subie par Khaled « s’accompagne d’une campagne odieuse pour mettre en doute son patriotisme ».