Les autorités marocaines sont à nouveau épinglées par les ONG des droits de l’homme et des libertés individuelles suite à l’arrestation d’une journaliste du site d’info Akhbar Al Yaoum dont le dirigeant n’est autre que Taoufik Bouachrine qui a défrayé la chronique suite à son arrestation et sa condamnation pour une affaire de relations sexuelles hors mariage. Les autorités remettent le couvercle, arrêtent et emprisonnent Hajar Raissouni pour « relations sexuelles hors mariage, avortement et association pour avortement ». Cependant aucune preuve matérielle n’est portée au dossier. La jeune femme a été arrêtée dans une rue de la capitale en compagnie de son fiancé et conduite vers le bâtiment où se trouve un cabinet médical, dont le médecin était absent. La police, une brigade de six policiers en civile, la fait appeler par sa secrétaire pour rejoindre le cabinet et l’arrêter à son tour. Une arrestation hollywoodienne caméras au poing selon la presse indépendante. Un délit digne du moyen âge souvent utilisé contre des adversaires politiques et par certains agents de police et de gendarmerie pour des fins pécuniaires et de règlements de comptes familiaux. Rien d’illégales lorsque le code est respecté puisque la loi marocaine actuelle puni ce genre de relations et de comportements en public entre adultes.
L’examen médical qui a été fait à l’Hôpital Ibn Sina ordonné par le procureur a révélé que Hajar n’a pas subi d’avortement, ce qui devait clore le dossier. Nuance le juge maintient en prison la journaliste, son financé, un professeur universitaire, de nationalité sénégalaise dont le mariage était prévu le 14 septembre, le médecin âgé de plus de 70 ans, et ses deux adjoints. Une audience est prévue pour le 9 septembre.
Un journal proche du palais, Le360, ne le cache pas d’ailleurs. Il a écrit; . »Hajar n’est pas une simple citoyenne, Hajar n’est pas une simple journaliste, Hajar est employée au sein du journal Akhbar Al Yaoum appartenant à Taoufik Bouachrine et la nièce de Raissouni le président de l’Union mondiale des Oulémas musulmans ». Ce qui ne dit pas le journal, c’est que Hajar soutient le Mouvement de contestations du Rif qui a secoué la classe dirigeante au cours des dernières années. Ici en selfie avec les parents du leader du Rif Nacer Zafzafi.
Selon la journaliste, son arrestation est avant tout “une affaire politique qui vise à la punir de ses articles sur le Hirak (le mouvement de contestation dans le Rif, ndlr), et à intimider son oncle Soulaymane Raissouni, militant des droits de l’homme et journaliste d’Akhbar Al Yaoum”. Sa défense rapporte que la journaliste a été interrogée sur des éléments de l’affaire Taoufik Bouachrine (ex directeur de publication d’Akhbar Al Yaoum, condamné à douze ans de prison pour, entre autres, “abus de pouvoir à des fins sexuelles”), ainsi que sur les récentes publications de son oncle, connu pour son ton critique envers les autorités marocaines.
Selon son oncle, sa nièce “est une journaliste courageuse qui traite des sujets qui fâchent et que les autorités veulent faire taire. C’est une fausse affaire de mœurs et une vraie affaire politique: les questions qu’ils lui ont posées n’ont rien à voir avec l’avortement. C’est la presse indépendante qui est encore attaquée ici”, estime-t-il dans le communiqué. Pour la défense de la journaliste, cette affaire “soulève bien d’autres questions que celle du droit à l’avortement et notamment celle de la liberté de la presse et de l’indépendance de la justice au Maroc”.
La journaliste compte poursuivre les autorités. “L’examen médical imposé de force à ma cliente Hajar Raissouni est une violation directe de son intégrité physique et morale. L’objectif de ce traitement inhumain, cruel et dégradant était de la contraindre à faire des aveux. C’est la définition même de la torture. Et c’est une violence particulièrement sournoise car elle a ciblé ma cliente dans sa féminité”, explique son avocat Me Mohamed Sadkou dans le communiqué.
L’ancien ministre PJD de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid avait affirmé en 2015 que rien dans la loi « n’interdit une relation entre deux personnes à condition qu’elle ne soit pas consommée publiquement et au vu des gens ». Le ministre avait également assuré que les « autorités n’ont pas le droit de demander à un couple ses pièces d’identité ou de l’interpeller dans une voiture ou dans une chambre » et qu’une relation sexuelle hors mariage ne peut être dénoncée que si l’un des deux époux alertait la police pour motif d’adultère.
Ce n’est pas l’avis de Youssef Chahbi, avocat au barreau de Casablanca qui rappelle: « une voiture qui se trouve dans un endroit public devient un endroit public », qu’elle soit placée dans un parking, face à la mer, ou dans une petite ruelle. De ce fait, que le couple, marié ou pas, soit en train de s’embrasser ou d’avoir une relation sexuelle, peut être considéré comme « outrage public à la pudeur ».